Les électeurs français viennent d’élire un président socialiste, François Hollande. Il a été investi dans ses fonctions le 15 mai dernier et un nouveau gouvernement a été formé dans la foulée. Le changement est de taille pour beaucoup et une source d’espoir pour les femmes et les minorités. Ainsi le nouveau président avait affirmé qu’il appliquerait le principe de parité entre hommes et femmes pour former sa nouvelle équipe ministérielle. Il a pour ainsi dire réussi, 34 ministres dont 17 femmes. Il y a eu passation de pouvoir et à la suite du premier conseil des ministres il y a eu séance de photos et en particulier une photo du président et du premier ministre (Jean-Marc Ayrault) avec les femmes ministres de la parité. « Pourquoi une photo avec les seules femmes ministres?» demande la présidente de l’association des femmes journalistes, Isabelle Germain.
Est-ce un trophée ? Isabelle Germain ajoute qu’il n’y a pas eu de photos avec les hommes, ou les ministres issus de la diversité, elle en conclut que le concept de diversité est plus accepté que la parité politique entre hommes et femmes. Bien que cette décision doive être applaudie, il faut remarquer que la parité joue sur le nombre et non sur l’importance des postes de ministres, et il faut ajouter qu’il n’y a pas de parité parmi les conseillers du président et du premier ministre, comme le déplore Osez le Féminisme.
Toutefois image de progrès, la nomination de Christiane Taubira comme garde des Sceaux (ministre de la justice). D’abord cette nomination rappelle l’histoire coloniale de la France, en effet, Christiane Taubira, est sénatrice » de Guyane. Elle représente les populations des caraïbes et a commencé sa carrière comme activiste indépendantiste de la Guyane.
Une de ses premières remarques qui mènera à une action rapide concerne la justice des mineurs. Elle a clairement indiquée que l’ère Sarkozy était terminée. Plus question de juger les délinquants récidivistes de 16 ou 17 ans dans des tribunaux correctionnels ordinaires, c’est à dire comme des adultes, cette mesure venait directement de l’exemple américain. Les mineurs seront de nouveau jugés comme des jeunes, ce qui veut dire pas d’incarcération dans les prisons des adultes et plus de programmes d’accompagnement. Bien sur l’ancienne ministre Rachida Dati (UMP) a immédiatement critiqué cette décision la qualifiant d’ “acte irresponsable”. Rappelons que l’argument de dissuasion avancé en faveur du jugement des mineurs comme adulte, bien connu aux Etats Unis, s’est toujours avéré erroné. Il est remarquable que Rachida Dati ministre de Sarkozy, elle aussi représentait l’intégration puisqu’elle est issue de l’immigration. Son approche était bien différente de celle de ces nouveaux ministres.
Cela nous mène à la nomination de la ministre des droits de la femme. Ce ministère avait purement et simplement été supprimé par le gouvernement précédent. Il avait été créé par le dernier président socialiste, en 1981 et avait eu un effet bénéfique pour les droits des femmes en France. La nouvelle nommée Najat Vallaud-Belkacem est née au Maroc de parents marocains, elle refuse la comparaison avec Rachida Dati (elle aussi d’origine nord africaine). Najat Vallaud-Belkacem a aussi montré que les identités peuvent être multiples puisqu’elle a siégé au Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) jusqu’à ce qu’elle s’engage avec François Hollande. Beaucoup de travail à venir pour elle, notamment avec la loi sur le harcèlement sexuel qui a été invalidée par le Conseil Constitutionnel récemment, créant ainsi un problème juridique pour les femmes voulant intenter une action en justice. Cette loi doit être repensée et surtout doit apporter une protection nécessaire aux femmes qui sont en France comme ailleurs de plus en plus victimes de violence.
Il est clair qu’après une campagne présidentielle menée par Nicolas Sarkozy sur le thème de la peur de l’étranger et de l’immigration, la formation de ce gouvernement montre une claire démarcation de la ligne ultra de Sarkozy, celui-ci n’avait pas hésité à remettre en cause la laïcité tout en utilisant la peur de la religiosité musulmane comme raison, alors qu’il prônait le retour a la morale chrétienne comme référence. Le débat s’éloignait de la nécessaire remise en cause de la colonisation dans ce moment où la mondialisation néolibérale représente une nouvelle forme de colonisation.
Dans ces temps qui révèlent les effets de l’organisation financière de la mondialisation néolibérale sur la société toute entière et avec les renégociations des accords européens pour instaurer les politiques économiques d’austérité destinées à mettre à genou les populations, le changement, si petit qu’il soit, venu de cette élection est une source d’espoir qu’il ne faut pas laisser échapper.
(Photo Credit: Reuters / Guillaume Paumier, Joëlle Dollé)